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Coupure de presse

Marc Chénard, La Scena Musicale, no 6:2, 1 octobre 2000

Peu aprés l’arrivée du nouveau millénaire, la scène musicale canadienne perdit, coup sur coup, trois de ses plus remarquables personnalités: Violet Archer, Barbara Pentland et Jean Coulthard. Eussent-elles été cantatrices ou pianistes, leurs disparitions auraient sans doute suscité bien plus d’attention médiatique que la plupart des notices nécrologiques lapidaires publiées. Cependant, elles avaient choisi de poursuivre le métier de compositrice, œuvrant dans l’ombre de leurs collègues masculins au cours de leurs trés longues carrières d’artistes et de pédagogues émérites.

Lorsque l’on considère l’histoire de la musique sous l’angle de la création, force est de constater la prédominance des hommes au chapitre de la composition. Devant cet état de fait, la musicienne québécoise Danielle Palardy Roger s’est justement interrogée. «Comme la musique a toujours été liée aux mathématiques, déclare-t-elle d’emblee, elle a été perçue comme science pendant des siècles et tout ce côté pensé ou structuré des choses semble relever du monde des hommes, du moins traditionnellement. En revanche, des arts comme le théâtre ou la danse sont considérés comme plus proches des émotions, donc plus connectés à l’âme dite féminine.»

Impliquée sur la scène des musiques nouvelles ou «actuelles» québécoises depuis quelque 20 ans, Danielle Palardy Roger parle en connaissance de cause. Non seulement œuvret-elle comme batteuse-percussionniste au sein du collectif rallié autour de l’étiquette Ambiances Magnétiques, mais elle est également trés active en tant que promotrice du travail de ses consceurs musiciennes. Membre fondatrice des Productions SuperMémé depuis sa création en 1979, elle était co-organisatrice (avec son associée Diane Labrosse) du premier événement montréalais des musiques au féminin, le Festival international des Musidennes Innovatrices (FIMI), tenu en avril 1988.

Douze ans aprés cette initiative, elle récidive avec un nouvel événement de grande envergure, le SuperMicMac. Étalé sur trois semaines à compter du 25 octobre prochain, cet «événement», comme elle insiste pour l’appeler afin de mieux souligner son caractére unique, est davantage une rétrospective de la partidpation des femmes au développement de la musique canadienne. Au centre de sa programmation, 18 spectacles sont prévus, ceux-ci recoupant les champs des musiques contemporaines et improvisées, mais aussi une série de prestations de musiques ambiantes animéss par des DJettes (eh oui, les DJ au féminin, ça existe). Des musiques «traditionelles» sont également inscrites au programme, en l’occurrence une performance de chants de gorge données par deux femmes inuites. Et un certain passé folklorique sera aussi au rendez-vous à l’occasion d’un hommage tout spécial à la Bolduc, mettant en vedene un septuor pancanadien comprenant la clarinettiste manitobaine Lori Freedman, et les torontoises Marilyn Lerner et Lee Pui Ming. Comme l’explique l’organisatrice, «ce spectacle c’est un peu comme remettre les lettres de noblesse à la Bolduc, parce qu’elle était une des premières femmes à écrire et à dévelpper la chanson. «Pour monter ce spectacle, Danielle P. Rogé a choisi quelques-unes des chansons de cette légende de la musique quebécoise et a confié à chacune de ses consœurs la tâche d’arranger un morceau de son choix.

Parmi les autres ensembles participants, l’OSM sera aussi de la partie et il lancera du même coup sa nouvelle série intitulée L’OSM, au présent, cette première sous la direction de la chef attitré du Nouvel Ensemble Moderne, Lorraine Vaillancourt. Par ailleurs, les compositrices d’électroacoustique seront aussi à l’honneur à deux reprises et des solistes de premier plan telles vivie’ vincent (alias Vivian Spiteri, clavecin ), Estelle Lemire (ondes Martenot) et Rivka Golani (alto) se produiront. A signaler aussi, en complément de programme: deux conférences traitant respectivement des innavatrions dans le jazz et de l’histoire des femmes musiciennes dans le milieu montréaIais, une table ronde et une exposition iconographique (photos, partitions) en montre dans le corridor des Pas perdus de la Place des Arts.

«En tout et partout, il y aura quelque 70 participantes à l’événement, nous précise l’organisatrice, ou prés d’une centaine si l’on inclut toutes les compositrices (canadiennes et internationales) inscrites aux différents programmes.» Mais par-delà ces données spécifiques, l’événement est une célébration de la contribution des femmes à la création musicale. Même si Danielle Palardy Roger croit qu’elles n’ont pas reçu leur, leur dû a ce titre, pour elle le problème ne peut ètre atribué à un quelconque dessein d’exclusion, mais à un certain manque de profil ou de représentativité des femmes au sein de la grande communauté musicale. «On ne peut pas nier le fait qu’il y a une culture féminine et une façon d’approcher les choses qui soit différente des hommes, et ce, peu importe le métier. Mais de là à parler d’une créativité féminine, distincte de celle des hommes, je ne le pense pas. Qu’on soit homme ou femme, ça ne fait pas grand différence, au fond, parce que la musique reste la musique.»