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Coupure de presse

François Tousignant, Le Devoir, 24 octobre 2002

UK… OK!, c’est le nom de cette série de manifestations qui promeut les échanges culturels entre le Royaume-Uni et le Québec. On a eu l’heur, mieux: le bonheur! d’inviter une troupe multidisciplinaire de Glasgow, le Theatre Cryptic, à présenter sa dernière «production», each… and every inch une sorte de dérive intérieure basée sur le roman inusuel que furent la vie et l’œuvre de l’écrivaine canadienne Elizabeth Smart. Pour l’occasion, Diane Labrosse, des Productions SuperMusique, se charge admirablement et poétiquement de la sonorisation de bien des lieux.

Theatre Cryptic se dit dévoué à la théâtralisation de la musique, fond son spectacle selon le lieu qu’il doit occuper. On entre par les loges; la nuit se fait et Elizabeth Smart nous parle. Ensuite commence un intriguant parcours. L’experience est aussi nouvelle que difficilement descriptible. Force est d’avouer cependant que c’est certainement le «must» de l’automne.

D’abord par le qualité extrême du «produit» (je déteste ce vocable en en use faute de mieux). C’est lèché, certes, mais jarnais on ne le sent tant tout, absolument tout est senti et vrai. Si le mot vérité a un sens en création, c’est en ce genre de manifestation qu’il se réincarne. Que ce soit dans la salle où les photos se superposent créant des images abstraites et des liens psychologiques avec raffinement renversant, ce duo de violoncelle chorégraphié qui émeut aux larmes, ce mur bleu Yves Klein avec ses trous où il faut entrer la tête, se pencher pour voir, entrer en lui pour entendre, tourner le regard pour que le côté visuel dialogue avec les phrases écrites et les murmures obsessifs, la vidéo 3D artistiquement sonorisé où l’on découvre plus que l’aspect physique des jardins de Smart, les escaliers habités d’aphorismes, le rythme qu’on invente et réinvente soi-même selon son humeur, partout, on est à la découverte du très grand et on se redécouvre soi-même.

Souvent le terme multidisciplinaire est galvaudé pour cacher le manque d’idée. Ici, pour une rare fois, il force ses lettres de noblesse par ce qu’il crée comme sens pluriel nouveau. L’expérience de ce parcours non-imposé (mais un peu guidé tout de même) bouleverse jusqu’au plus intime de l’être, comme Smart fut remuée dans sa vie, volontairement et passionnément. Ici, art prend forme et sens, direction et raison par les seuls battements de cœur que cette pure beauté impose tranquillement. Un vrai moment moderne, c’est ça. Quand l’art devient vie, que vie devient art, on applaudit et poursuit son chemin, centimètre par centimètre, toujours plus riche. UK? OK! Absolument!!!

Diane Labrosse, des Productions SuperMusique, se charge admirablement et poétiquement de la sonorisation de bien des lieux.